Le partage des frais d’huissier entre bailleur et locataire est conditionné

Accord

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 10 septembre 2020, 19-10.033, Inédit

Au titre de l’article 5, alinéa 3 de la loi du 6 juillet 1989 :

« Les honoraires des personnes mandatées pour réaliser un état des lieux sont partagés entre le bailleur et le preneur. Le montant toutes taxes comprises imputé au locataire pour cette prestation ne peut excéder celui imputé au bailleur et demeure inférieur ou égal à un plafond par mètre carré de surface habitable de la chose louée fixé par voie réglementaire et révisable chaque année, dans des conditions définies par décret. Ces honoraires sont dus à compter de la réalisation de la prestation ».

Sur ce fondement, un bailleur avait mandaté un huissier de justice pour procéder à un état des lieux de sortie et facturé la moitié des honoraires au locataire sortant.

Ce dernier avait refusé de payer et le bailleur avait alors saisi le Tribunal d’instance d’Epinal.

La juridiction a débouté le bailleur au motif qu’aucune pièce « ne permet de caractériser l’impossibilité d’établir un état des lieux contradictoire et amiable ».

D’autres moyens justifiant l’exercice d’une voie de recours, le bailleur s’est pourvu en cassation pour faire trancher ce point de droit qui, compte tenu du faible enjeu financier, relevait davantage d’une question de principe : existe-t-il des conditions pour déterminer sur qui pèse la charge des frais d’établissement de l’état des lieux ?

La Cour de cassation a éclairé la lecture de l’article 5 alinéa 3 de la loi du 6 juillet 1989, qui a priori ne pose pas de condition au partage des frais entre bailleur et locataire, à la lumière l’article 3-2 de la même loi.

Si le premier texte régit le partage des honoraires des intermédiaires en général entre le bailleur et le locataire, le second porte précisément sur l’état des lieux.

Ainsi, cet article 3-2 dispose expressément que l’état des lieux, d’entrée comme de sortie, « est établi contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles et joint au contrat de location ».

En vertu de ce texte, les parties doivent donc s’entendre pour conduire elles-mêmes l’état des lieux ou pour mandater un tiers.

Ce n’est que dans l’hypothèse où l’état des lieux ne peut être établi contradictoirement et amiablement qu’un huissier de justice peut être mandaté unilatéralement par la partie la plus diligente, « à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire et à un coût fixé par décret en Conseil d’Etat » (article 3-2, alinéa 2 de la loi de 1989).

Dans ce cas, l’Huissier de justice avise les deux parties 7 jours au moins avant son passage. On peut y voir un ultime délai permettant aux parties de revenir à un procédé amiable, le cas échéant.

En conclusion, la partie qui souhaite mandater un huissier de justice pour établir un état des lieux doit d’abord s’assurer du défaut d’accord de son co-contractant à réaliser un état des lieux amiable. Sinon, elle doit constater – et pouvoir justifier – de l’impossibilité d’établir cet état des lieux de manière contradictoire et amiable. A défaut, elle supportera seule les frais d’intervention de l’huissier.